Prendre des risques
Avertissement: à ne pas forcément lire si l'on est enceinte de jumeaux et presque à terme et que son projet de naissance est fortement remis en cause...
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Ma conception de la prise de risque en ce qui concerne l’accouchement a bien évolué depuis 10 ans, lorsque j’attendais mon premier enfant…
A l’époque, je me serais damnée pour pouvoir accoucher dans une maternité de niveau 3 (maternité disposant d’une réanimation néonatale, et pouvant accueillir des prématurés de moins de 33SA), pour être sûre d’être bien prise en charge en cas de problème…
Naturellement, je ne voulais pas « prendre de risques »…
Je me suis néanmoins résolue à accoucher dans la grande ville la plus proche de chez moi, dans une maternité de niveau 2 (qui dispose d’un service de néonatalogie, et accueille les prématuré à partir de 33SA).
C’était déjà pas mal, l’établissement était suffisamment important, avec un anesthésiste de garde sur place, me garantissant d’avoir une péridurale même si j’accouchais la nuit (je ne voulais pas prendre le risque de ne pas pouvoir en bénéficier, ce qui arrive dans les petites maternités, où l’anesthésiste d’astreinte ne se déplace pas la nuit « juste pour ça »)
Aujourd’hui, pour cette quatrième naissance, je cherche aussi à ne prendre aucun risque…
Mais la notion de risque a changé !
En effet, dans mes recherche pour trouver un endroit qui me convient pour accoucher, je me suis entendue dire à une sage-femme «C’est hors de question que j’accouche dans une des maternités de ma ville, je ne veux pas prendre de risque »
Aujourd’hui, le risque que je n’accepte plus de prendre, c’est celui que le processus physiologique de la naissance ne soit pas respecté…
Je ne veux pas arriver à la maternité, et savoir que le déroulement de mon accouchement va dépendre du bon vouloir de la sage-femme et de l’obstétricien qui seront là ce jour là. Je ne veux pas arriver, et être immédiatement mise à nu, couchée sur le dos pour être « monitorée » être « examinée » comme on dit pudiquement pour parler des touchers vaginaux qui ne manqueront pas de se succéder pendant le travail. Je ne veux pas être perfusée (ou au moins accepter un cathéter « au cas où »)… Je ne veux pas être entourée de matériel médical, de capteurs, de voyants lumineux, d’alarmes sonores intempestives.
Je ne veux pas être considérée comme une folle-dingue qui préfère souffrir et se ridiculiser à hurler sa douleur, au mépris de la tranquillité des autres parturientes plus raisonnables. Je ne veux pas que le travail se fasse dans une atmosphère hostile, entourée de personnes qui ne peuvent que mettre en doute ma capacité à accoucher « naturellement », ou au mieux la considérer comme admirable mais pas vraiment « normale ». Je ne veux pas avoir l’impression de gêner, de sortir de la norme… Je ne veux pas être infantilisée dans un moment où je serais totalement vulnérable (dans le style « ben ma ptite dame, si vous ne voulez pas de péri, va falloir gérer la douleur un peu mieux que ça, sinon ça va pas être possible, hein !... »)
Je ne veux pas que des inconnus se succèdent à mon chevet, et n’aient rien à me proposer pour m’accompagner dans mon travail si j’en ai besoin (et je pense que j’en aurais besoin, j’ai le souvenir d’avoir eu un intense besoin d’être entourée et rassurée lors de mon précédent accouchement)
Je refuse qu’on me mutile par habitude avec une épisiotomie, qui, on le sait aujourd’hui, est dans la plupart des cas parfaitement inutile, voire délétère. Je ne veux pas être placée en position gynécologique pour « l’expulsion », alors que je sais que cette position ne permet pas une bonne ouverture du bassin pour permettre la sortie du bébé.
Et surtout, surtout, je ne veux pas prendre le risque que quoi ou qui que ce soit interfère dans le premier regard que j’échangerai avec mon bébé nouveau-né.
Je refuse qu’on m’enlève mon bébé (sauf si sa vie en dépend) pour le peser, le laver, l’aspirer, lui mettre des gouttes dans les yeux, l’habiller… à un moment où il n’aura besoin de rien d’autre que d’être contre moi, de bénéficier de ma chaleur, d’apprivoiser mon odeur, ma voix, le contact de mes mains contre son corps tout neuf, de trouver le chemin vers mon sein et de s’y blottir en toute sécurité et en toute confiance…
Je veux accoucher dans un endroit chaleureux et intime, entourée du moins de personnes possible, personnes que j’aurais eu l’occasion de rencontrer auparavant. Je veux pouvoir rester dans la pénombre si je le souhaite, avec de la musique si cela m’aide, avoir la possibilité de me plonger dans un bain brûlant, d’être guidée pour trouver des positions favorables afin de mieux accepter la douleur et de pouvoir accompagner mon bébé dans son chemin vers mes bras…
Je sais la difficulté d’enfanter, et je veux être entourée de personnes qui ont l’habitude d’accompagner les femmes dans cette épreuve, et qui sont capables, soit de s'effacer, soit de leur apporter le soutien nécessaire et adapté dans ce moment si fragile et si intense, afin de libérer la force animale dont elles auront besoin pour mettre leur enfant au monde.
Non, je ne veux vraiment prendre aucun risque pour cette naissance…
J’ai conscience que les circonstances feront peut-être que tout ne se déroulera pas forcément comme je le rêve… Mais au moins je me serais donné toutes les chances pour que cela se produise…